Nathalie Chiche est rapporteure de l’étude « Internet : pour une gouvernance ouverte et équitable » du Conseil économique sociale et environnemental, et membre du comité de pilotage de l'Observatoire e l'Ubérisation.
Une nouvelle page s’ouvre cette semaine dans le conflit qui oppose les taxis et les VTC. Une semaine après la manifestation des taxis, les chauffeurs de véhicule de tourisme (VTC) manifesteront ce mercredi 3 février.
Face à ce nouveau conflit qu’on pensait réglé, après la loi Thévenoud interdisant notamment aux VTC d’être repérées par les clients depuis leurs smartphones, le gouvernement a nommé Laurent Grandguillaume comme médiateur, afin de trouver durablement une solution.
Rappelons que la médiation est un mode alternatif – confidentiel et volontaire - de règlements des conflits, encore trop peu utilisée en France au profit des procès. Ce processus consiste à faire appel à un tiers neutre et impartial, le médiateur.
Le fait que le médiateur soit nommé par l’État, indépendamment des qualités démontrées de Laurent Grandguillaume dans le conflit des « poussins » [en 2013-2014], pose le problème de l’impartialité de la médiation en cours.
En effet, il y a trois parties « médiées » - concernées - dans ce conflit :
- Les taxis qui, au départ, ont bénéficié d’une rente, celle des licences accordées gratuitement au compte-gouttes par l’État, leur conférant de fait un monopole. Devenir taxi devenait de plus en plus cher au fur et à mesure des départs à la retraite des anciens qui cédaient leur licence à prix d’or (près de 200 000 euros) ;
- Les VTC, qui répondaient à un vrai besoin des utilisateurs de taxis, face à leur raréfaction. L’avènement du numérique avec les outils comme les smartphones, les applications et la géolocalisation d’une part ; la mise en place de plateformes mettant en relation une offre et une demande, ont laissé le champ à leur expansion qui change définitivement l’économie de services traditionnelle ;
- L’État, qui ne peut empêcher l’innovation sans se soustraire à sa responsabilité dans la réforme des taxis.
Par ailleurs, outre le caractère volontaire des parties, la confidentialité et la neutralité sont des conditions essentielles, avec l’impartialité du médiateur, pour conduire une médiation dans les règles de l’art.
Aussi, il est préjudiciable, pour la suite de la médiation qui oppose taxis et VTC, que le député Laurent Grandguillaume fasse part de son point de vue sur le réseau social Twitter ce week-end à propos du conflit dont il est le médiateur. Et en s’en prenant directement aux plateformes numériques qui, je le cite, « veulent imposer leur monde sans règle à la République, la République sera toujours plus forte ».
Pendant une médiation en cours, le médiateur ne stigmatise jamais une partie contre l’autre, au risque d’être partial. Or, l’État a assurément un rôle déterminant dans ce conflit dont il est partie prenante.
Aussi, il convient de nommer très rapidement un médiateur externe au conflit afin de reprendre une médiation sur ses principes fondateurs : impartialité, confidentialité et neutralité.
La souffrance légitime des taxis et l’incompréhension des VTC qui se voient comme les boucs émissaires d’une économie numérique en marche, sont de la responsabilité de nous tous, à commencer par l’État.
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