Freethinking a réalisé pour ZenithOptimedia une étude qualicollaborative qui a rassemblé plus de 158 Français des classes moyennes sur sa plateforme. Cinq enseignements majeurs tirés de cette plongée au cœur de leur nouvelle vision de la consommation sont exposés par leurs deux auteurs, Véronique Langlois et Xavier Charpentier. Synthèse en 4 axes : le temps, la consommation, l'économie et le mental
Le collaboratif, c’est partout, tout le temps, pour tous.
Tous les domaines de la consommation ou presque sont spontanément cités : le collaboratif est au cœur de ce nouveau paradigme d’abord parce que rien ne semble pouvoir échapper à son expansionnisme. Partout, il propose des solutions nouvelles, un état d’esprit inédit, des opportunités de faire mieux et plus, le plus souvent avec moins. Il s’adresse à tous, sans distinction d’âge ou de revenu, aux yeux de ces classes moyennes qui se pensent comme le cœur du réacteur de la société française. Il est totalement mainstream.
Des solutions online, bien sûr. Elles émergent immédiatement dans la conversation, comme des évidences déjà totalement ancrées dans la vie de tous les jours, tous les acteurs numériques qui révolutionnent « en douceur » à leurs yeux – c’est-à-dire en leur demandant un minimum d’adaptation dans leurs contraintes quotidiennes. Dans les transports avec le covoiturage (Blablacar bien sûr, Sharette), mais aussi la vente de biens (LeBonCoin, ebay, encore et toujours…), la consommation de loisirs (incontournable AirBnB qui prend la place de Tripadvisor, par rapport à il y a deux ans), le bricolage et la maison… Le collaboratif, c’est donc d’abord beaucoup d’acteurs qui n’étaient simplement pas là il y a peu et qui prennent maintenant presque toute la place, dans certains secteurs, dans un processus de destruction créatrice perçu par les participants.
“Je trouve l’intervention de Darwin tout à fait juste. L’internet a surtout permis de rendre plus visible et plus facile l’économie collaborative. Bien sûr cela va engendrer au début un peu d’ombre à l’économie traditionnelle mais cela va les pousser à innover, évoluer, s’adapter.”
Mais, le collaboratif, c’est aussi des initiatives plus engagées qui ne viennent pas du numérique. Comme les jardins partagés, les Amaps, toutes les formes de commerce de proximité ou de voisinage qui redistribuent les cartes et dont on perçoit qu’elles sont extrêmement aspirationnelles parce qu’elles permettent de « tenter autre chose ».
Le collaboratif, c’est un outil intelligemment complémentaire de la consommation telle qu’on l’a toujours connue… Pour l’instant.
Il est clair pour ces Français que l’économie collaborative n’a pas vocation à remplacer les circuits traditionnels dans tous les secteurs. Ils ont bien conscience que des services comme Uber ont cette ambition, mais pour l’instant c’est Blablacar ou Leboncoin qui sont les références : l’économie collaborative complète avant tout les circuits traditionnels, en tant qu’économie alternative permettant de dépenser moins tout en consommant mieux.
« Le principal changement dans mon mode de consommation c’est que j’essaie d’être locavore au maximum, d’acheter directement aux producteurs notamment les viandes fruits et légumes (ou via les AMAP). Mais je continue de fréquenter les grandes surfaces pour les autres produits. »
“Elle s’affirmera, occupera une place plus importante mais on ne peut pas éclipser l’économie traditionnelle d’un claquement de doigt. On en parle beaucoup car on est en période de crise. Je ne suis pas certain qu’en des temps meilleurs, on en parlerait autant.”
Pour certains, cette économie alternative apparaît aussi comme un relais de croissance dans une société en crise économique… Mais de façon en réalité très ambigüe, puisque le discours qu’ils portent la positionne davantage, en fait, comme un relais de non-croissance.
Comment pourrait-elle en effet réellement redynamiser l’économie, relancer la machine en faisant en quelque sorte « grossir le gateau », puisque dans leur esprit le gateau ne grossira plus jamais ?
“ L’économie collaborative a toujours existé sauf qu’on en parle de plus en plus et que c’est plus reconnu qu’avant. Je pense que ce n’est pas un frein à la reprise économique. Elle permet aux classes moyennes et aux bas salaires (comme moi) de mieux s’en sortir.”
Le collaboratif, c’est un outil économique.
C’est que consommer collaboratif, c’est évidemment d’abord économiser de l’argent. C’est pouvoir en garder pour l’allouer vers des postes de consommation plus urgents, plus importants. C’est pouvoir en conserver pour encore mieux s’adapter à la société du moins, celle où l’éthique de la prudence dicte de préparer l’avenir en constituant du stock – de capital, d’avenir pour ses enfants - à défaut de voir son revenu augmenter. C’est être en mesure de dégager des marges ou de réduire des coûts dans une économie où la croissance est inexistante. C’est, à défaut d’avoir accès à du « mieux-être » à travers la consommation, pouvoir « gérer mieux ».
« Blablacar me rend souvent service en tant que conducteur ou usager. Cela permet de ne pas voyager seul mais aussi de faire des économies sur le trajet. C’est une pratique qui je pense va se développer de plus en plus. Autant pour nos économies que pour le bien de la planète. »
C’est en ce sens, en tant qu’outil d’économie puissant et simple d’utilisation, que la complémentarité affichée de l’économie collaborative apparaît à l’analyse comme en partie au moins illusoire : alors même que la majorité des participants prétend encore ne l’utiliser qu’occasionnellement, ou pour des achats bien précis, certains n’hésitent plus, de façon très naturelle, à expliquer qu’ils sont vraiment passés à autre chose. Comme si le sens de l’Histoire était clair, au fond, même si la vitesse à laquelle chacun se décide à se placer dans le courant pouvait encore varier. Pour certains, dans une société de l’ajustement permanent, le collaboratif économique est déjà mainstream et a vocation, même si tous ne le voient pas encore, à devenir hégémonique.
« Au début, c’était seulement pour des raisons économiques. Les prix y étaient plus attractifs qu’ailleurs. Donc j’étais seulement consommatrice. Maintenant je me rends compte que c’est aussi plus social, plus écologique d’utiliser ces moyens. Je suis donc maintenant collaboratrice.”
Le collaboratif réduit le coût mental des ajustements... Et rend ce nouveau modèle du moins durable.
C’est qu’en plus de permettre de faire des économies, de mieux allouer ses ressources, de dégager une épargne, le collaboratif tel qu’il est vécu, perçu, raconté, est un formidable moyen de s’économiser soi-même. Economiser son stress ; économiser sa frustration. Et, ce faisant, parvenir à s’installer dans le moins de façon durable, en le rendant en quelque sorte soutenable, au sens premier de supportable dans une optique de long terme, structurelle, et pas simplement conjoncturelle. Si ce n’est souhaitable…
En effet : le collaboratif, c’est pour ces Français moyens qui souffrent au jour le jour et depuis longtemps la redécouverte de vieilles valeurs, de vieilles pratiques qui permettent de redonner du sens au moins.
Valeurs ancestrales mais canaux ultra-modernes : c’est tout un réseau social oublié qui est recréé à travers cette économie collaborative. Renouer avec une sociabilité oubliée (fantasmée ?) du quartier, du village de leurs parents, c’est mieux assumer la rétention et la Culture de la Déflation. Avec le web collaboratif mais aussi des démarches comme les Amaps, l’ajustement à l’économie du moins peut se faire en confiance, en redécouvrant ses pairs autant que des plaisirs oubliés. En diminuant la charge mentale, en transformant - au moins en partie - l’effort en activité gratifiante, créatrice de sens.
« Je privilégie le contact humain car je pense qu’il y a matière à prendre des autres, c’est pourquoi, j’utilise assez souvent airbnb pour mes vacances: le fait de se retrouver chez des gens qu’on ne connait pas est une réelle richesse humaine, intellectuelle et culturelle. Le fait de se retrouver le matin avec ses hôtes devant un petit déjeuner fait maison permet de vivre un réel moment de convivialité et de partage. »
C’est faire du neuf avec du vieux, s’enrichir humainement même si on s’appauvrit financièrement. C’est réduire le coût psychologique et symbolique de l’ajustement – faire avec moins, se refuser des choses, devoir prendre plus de temps pour trouver le « bon plan »… - en obtenant ou en se fabriquant une rémunération immatérielle. C’est faire que les efforts, réels, qui sont accomplis, tendent à produire un plus humain, émotionnel, philosophique, et pas seulement du moins.
« Je fais du co-voiturage pour aller travailler. Cela fait faire des économies et permet de créer du lien social. »
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