Deux ans après la déclaration de Maurice Levy, le patron de Publicis, qui utilisait pour la première fois l'expression d'«ubérisation de l'économie» qui remet en cause le positionnement des entreprises leader sur leur secteur, où en est-on réellement Selon une étude de la banque d'affaire Clipperton, d'autres secteurs vont être touchés par l'ubérisation comme la santé. Mais ce ne sera pas le raz-de-marée observé dans les transports.
L'ubérisation de l'économie va-t-elle tout emporter sur son passage ? Le mot déchaîne en tout cas les passions des économistes et cristallise les peurs, sur l'emploi par exemple. Confrontés à la digitalisation de leurs activités, près de la moitié des dirigeants s'inquiètent de la possible obsolescence de leur entreprise dans un délai de 5 ans à peine. Une étude, réalisée par la banque d'affaires Clipperton Finance, nuance toutefois la situation. Cette étude a été conçue à partir d'une série d'entretiens réalisés au cours des six derniers mois avec les acteurs du secteur, sur leurs manières de travailler, leurs modèles économiques, leur stratégie…
Qu'est-ce qui distingue l'évolution progressive d'un secteur, amené à intégrer le digital à son coeur de métier de l'«ubérisation»? C'est à cette question qu'a souhaité répondre la banque d'affaires Clipperton avec son rapport «The 'Uber-Economy': how marketplaces empowering casual workers disrupt incumbents».
Parmi les principales caractéristiques de ce que les auteurs appellent l'«Uber-economy», on retrouve notamment des modèles d'entreprises centrés sur l'humain, dans le sens où elles apportent un complément de revenu à une partie de leurs utilisateurs. Leurs modèles peuvent être soit centrés sur le capital travail, à l'image d'Uber ou d'Upwork, soit sur la mise à disposition d'actifs tangibles, comme AirBnB.
Premier apport de Clipperton au débat : la définition d'un terme qui a souvent été galvaudé. Les sociétés gravitant dans l'« uber-économie » ne sont pas synonymes de plates-formes digitales, mais n'en sont qu'un sous-groupe. Elles ne sont pas, non plus, synonymes, d'automatisation ou de robotisation. Elles réunissent plusieurs critères : il s'agit de plates-formes qui facilitent l'échange, mais aussi la transaction entre une offre et une demande, qui agissent sur des marchés vastes en fournissant une solution globale à des problèmes locaux. En général, ce sont aussi des services plus centrés sur le travail que sur les actifs physiques - Airbnb étant l'exception. Ainsi, plusieurs sociétés se retrouvent exclues du champ de l'observation, comme notamment BlaBlaCar. « La notion de dépendance économique est assez importante dans la relation entre ces sociétés et leurs partenaires. Or, chez BlaBlaCar, on ne peut pas vraiment gagner de l'argent si l'on suit les recommandations de tarification, on couvre surtout ses frais », explique Thibaut Revel, associé chez Clipperton Finance.
Selon l'étude, l'ubérisation a touché en priorité les marchés des transports, de l'hôtellerie et, à un degré moindre, des services à domicile et des free-lances. « Ceux qui ont subi l'ubérisation, ce sont les secteurs où la relation hiérarchique était assez simple et où la valeur ajoutée de la hiérarchie était fine. Les sociétés de taxis, par exemple, apportaient des clients à leurs chauffeurs et les aidaient dans la gestion administrative. Des tâches qu'une plate-forme informatique peut très bien réaliser », note Nicolas von Bulow, associé chez Clipperton.
Dans le cas des services à domicile, le constat est plus nuancé. « Pour qu'il y ait ubérisation, il ne faut pas qu'entre en jeu un fort intuitu personae. Pour me rendre d'un point A à un point B, peu importe la personne qui m'y conduit. Si l'on confie les clefs de sa maison ou son enfant, c'est différent », ajoute Thibaut Revel. Ce qui expliquerait l'échec d'une société comme Homejoy, ou le repositionnement de plates-formes de baby-sitting.
Dès lors, se pose la question des prochains secteurs à connaître les foudres de l'ubérisation. L'étude s'est penchée sur trois d'entre eux : la santé, l'éducation et le conseil. Des secteurs qui ne réunissent pas les critères définis précédemment, mais qui ne sont pas à l'abri de profonds bouleversements. « Tout le monde ne va pas devenir médecin, il y aura toujours une forte attache à la relation patient-médecin, opine Nicolas von Bulow. Mais des poches d'ubérisation peuvent apparaître. Par exemple, cette relation n'est pas la même quand on passe une radio. » D'autant que la notion de « qualification » ou de « réputation » (les notes des chauffeurs sur Uber, par exemple), qui se développe avec l'ubérisation, est à même de gommer en partie cet intuitu personae. Et qu'une partie de l'évolution dépendra des réglementations…
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Animé par la Fédération Nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), cet observatoire a pour but d'analyser l'ubérisation, d'apporter un constat précis et de proposer des pistes de réflexion autour de la réforme du code du travail, du dialogue social, de l'évolution du Droit, de la protection des travailleurs affiliés aux plateformes...