Comment analyser les requalifications de travailleurs de plateformes ?
Dans l’affaire Take Eat Easy comme dans l'affaire Uber, la justice semble estimer que les autoentrepreneurs qui collaborent avec une plateforme sont des salariés et non des indépendants.
Ces requalifications inédites des contrats sont susceptibles de porter lourdement atteinte à une économie émergente. Mais aussi au régime de l’autoentreprise bien sûr. Car en rendant une décision inédite, la Chambre sociale de la Cour de Cassation qui s’est prononcée à la suite d’une saisine d’un livreur de Take Eat Easy (société dissoute depuis) a requalifié la mission de ce dernier en contrat de travail. Le même type de décision est postée par la Cour d'Appel de Paris à propos d'un chauffeur VTC.
La décision était attendue depuis longtemps et avec une impatience non feinte par les "pourfendeurs" de ce modèle, qui pensent que les plateformes devraient toutes purement et simplement salarier ces collaborateurs. Au point d'ailleurs que l'on puisse s'interroger valablement sur les motivations exactes de ces décisions de justice, à l'heure où le législateur se penche sur le sujet.
L'Observatoire estime cependant que le lien de subordination ne peut être caractérisé dans la mesure où ce livreur avait toute liberté dans les jours, horaires et organisations du travail, faisant ainsi obstacle à une reconnaissance d’un contrat salarié. De plus, de nombreuses plateformes proposent aujourd’hui des garanties supplémentaires à leurs travailleurs indépendants, et iraient encore plus loin si le spectre de la requalification n’était sans cesse agité.
D’autre part, l’usage de la géolocalisation permet de sécuriser aussi bien celui qui effectue la mission de transport que les biens transportés. C’est également un outil indispensable pour affecter la course à l’indépendant le plus proche.
Il est bon de rester sensibilisé sur les points suivants :
- L’économie de plateforme représente aujourd’hui 200.000 indépendants qui en vivent. Il convient de ne pas pénaliser cette économie émergente.
- Ces évolutions culturelles, économiques et sociales devraient être prises en compte par les juges
- Si ces sanctions étaient appliquées à la microentreprise, tout le modèle de sous-traitance géolocalisée dans le secteur de la livraison serait requalifiable
- Enfin, le législateur a introduit un projet de charte de responsabilité sociale entre les plateformes et les indépendants, pour en améliorer la protection sociale, preuve qu’une réflexion plus modérée existe
Cette requalification est un non-sens. Elle met en lumière le flou juridique qui persiste dans le secteur et l'urgence de clarification, et surtout d'adaptation du droit aux évolutions technologiques.