Alban Jarry, spécialiste des stratégies de marques

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Alban Jarry signe pour Les Echos un article de fond sur "L'avenir de la banque traditionnelle face au risque d’uberisation". Alban Jarry est un spécialiste des stratégies de marques et de l’influence sur les réseaux sociaux professionnels. Il est l’auteur de « Twitter conté par 50 personnalités de la banque finance assurance » et « 735 utilisateurs aimantés par LinkedIn ». Depuis octobre 2013, il est Directeur Solvency 2, ORSA et Risques Stratégiques en Mutuelle et Vice Président de XBRL France. Il intervient régulièrement à HEC Paris Executive Education, France Université Numérique (FUN), l’Institut Louis Bachelier, l’Université Paris Dauphine et fait partie du conseil d’administration et du comité scientifique sur le numérique et le Big Data de l’Ecole Polytechnique d’Assurances. Il est l’auteur d’articles pour La Nouvelle Revue de Géopolitique, L’Argus de l’Assurance, La Revue Banque, La Revue Internationale de Compliance et d’Ethique des Affaires, Les Echos, L’Agefi et anime un blog (albanjarry.wordpress.com).

Uber ou Google, quel acteur viendra révolutionner le modèle bancaire dans les prochaines années ? Plus rapidement, l'arrivée d'Orange, Amazon ou des FinTech pourrait bouleverser l'équilibre du secteur.

L’actualité est sans cesse là pour nous rappeler qu’un empire peut s’écrouler du jour au lendemain. Régulièrement, comme dans le cas Volkswagen, une fraude est à l’origine de cette rupture. Dans la banque et la finance, Société Générale avec l’affaire Kerviel, BNP Paribas avec son amende record aux États-Unis, les banques suisses (Crédit Suisse et UBS en têtes)… subissent régulièrement les foudres des autorités. La crise des subprimes n’a fait qu’accentuer la visibilité de ce phénomène.

Depuis 2007, le monde de la banque ne cesse d’évoluer et de se transformer pour résister aux crises de son modèle. Il subit des chocs, ses fondations vacillent, mais jusqu’à présent, à part Lehman, Dexia et quelques autres, finalement peu ont subi des assauts suffisamment violents pour mettre en péril leurs activités.

À côté de ce phénomène, qui commence à être bien suivi dans la liste des risques dits stratégiques, la peur d’une uberisation du secteur se fait une place de plus en plus importante. Elle se matérialise par la crainte de nouveaux entrants qui viendraient bouleverser les équilibres financiers du secteur. Cette activité ultra réglementée peut-elle se retrouver attaquée dans ses fondamentaux dans les années à venir et faire l’objet d’une nouvelle vague de concurrence sans précédent ?

Anticiper les possibilités de l’avenir numérique, anticiper la dématérialisation complète de la relation entre la banque et ses clients, permet-il de disposer d’une boule de cristal de nouvelle génération ? Les FinTech, Uber, Google… Orange, Amazon, des nouveaux entrants semblent pouvoir créer à court terme une très forte rupture dans le modèle actuel. 

Il y a 15 ans…                    

Nous sommes au début des années 2000, dans la fièvre du développement de l’internet, les banques subissent un premier assaut ou créent leurs filiales dédiées à ces nouvelles technologies. La mode des "e-banque" se lance : e-Rothschild, eCortal, e.creditlyonnais.fr. Un industriel comme Bernard Arnaud crée Zebank. Innovantes ? Probablement. Trop chères à mettre en place ? Surement ! Beaucoup ne résistent pas plus de quelques années face au peu de rentabilité de ce nouveau modèle.

Parfois, les pertes sont abyssales. Les Français n’étaient pas encore prêts à "confier" leurs économies à ces banquiers virtuels à une époque où le conseiller bancaire était encore jugé comme un proche de la famille. Le numéro de compte, un emprunt immobilier corrélé à la domiciliation du compte principal, la détention d’une assurance vie furent aussi d’importants freins au mouvement. La confiance dans ce nouveau système n’était pas encore là. Peu de consommateurs achetaient sur le net.

À l’époque, j’ai participé au projet d’e-Rothschild en tant que "client pilote". Nous devions imaginer la banque du XXIe siècle. L’effervescence autour du lancement fut incroyable dans le groupe. Le modèle était complètement disruptif dans l’univers de la banque privée. Lancée le 10 septembre 2001, elle subit de plein fouet la crise qui s’en suivit. Elle disparut quelques années plus tard. Pourtant, elle apporta de nombreuses idées et des innovations remarquables.

CRM, passage d’ordres, traitement des cartes de crédit… tout fut automatisé pour s’ouvrir une autoroute moderne. Elle fut un apport absolument extraordinaire en termes d’organisation et de modernisation de la structure informatique du groupe. Dans les filiales financières, nous avons ensuite utilisé pendant longtemps une partie de l’infrastructure mise en place. Nous avions un TGV à disposition, nous sommes montés dans le train de la modernité et de la rapidité. 

Hier

Nous sommes en 2013 et 2014, une nouvelle fièvre atteint les grands groupes bancaires. Les Français ont adopté leurs smartphones, qui sont devenus leurs amis les plus proches, et la modernisation bancaire doit s’accélérer. Hello Bank ! ou Soon d’Axa arrivent pour accélérer la digitalisation de l’espace bancaire. D’une agence à l’ancienne avec ses doubles ou triples sas d’entrée, blindés, pour protéger le peu de monnaie fiduciaire encore stockée, le client passe à l’ère du numérique où tous les services deviennent accessibles au bout de ses doigts.

Ces nouvelles banques rejoignent rapidement le club des leaders survivants de la première époque comme ING Direct ou Boursorama. De nouveau, la course à la technologie s’est enclenchée pour bâtir les services du futur. De nouveau une effervescence agite le milieu. À la différence d’il y a 15 ans, peu d’acteurs externes viennent encore se mêler à la lutte. 

Aujourd’hui

Trop tôt ? Trop tard ? Le débat n’est pas tranché. En 2014, sur les 70 millions de comptes à vue en France, seuls 3 millions étaient dématérialisés dans une agence en ligne. Dans le même temps, 71,3 millions de cartes SIM circulent en France, l’équipement est massif et la connexion à sa banque via un smartphone n’est plus un obstacle psychologique. Un compte sur 3 s’ouvre dans une agence en ligne et un français sur 5 envisage d’y basculer (source Brand Advocacy Index 2015 du BCG).

Tous les voyants sont au vert pour les grandes manœuvres qui s’annoncent. Pourtant, pour les banques, un obstacle majeur demeure, les banques en ligne restent peu rentables poussées à une concurrence sur les prix qui les a enfermés dans des modèles low-cost. Bascule des clients contre soucis de rentabilité. Coûts des structures d’agences physiques à intégrer dans le nouveau schéma, l’équation est d’une complexité absolue. 

Demain

Pas une semaine ne passe sans annonce d’une innovation dans les Fintech. Spécialisées dans l’attaque des services les plus rentables du modèle bancaire, elles représentent un risque émergent qui devra faire ses preuves. Il faudra probablement attendre un peu avant de voir des licornes émerger de ce côté.

Annoncées pendant l’été 2015, les arrivées d’Orange et d’Amazon pour 2016 risquent de changer le paradigme. Leurs cibles ? Les clients particuliers et les PME. Innovation, faibles coûts de structures, marques reconnues et appréciées par la clientèle, tous les ingrédients sont là pour pénétrer rapidement le marché. L’absence de connaissance des techniques bancaires ne devrait pas être un problème. Orange devrait s’inspirer des techniques où elle fait fureur en Afrique et dans les pays émergents.

Paiement sans contact, rapidité des virements, souscription en quelques clics à des produits financiers… l’assurance est aussi dans le collimateur. Révolution ? Si Orange combine son offre avec une légère transformation de ses agences de téléphonie pour intégrer des DAB et convaincre les accrocs des agences physiques la pénétration peut être rapide. Quelques marques bancaires ont transformé leurs agences pour vendre de la téléphonie, la démarche inverse risque d’être autrement plus impactante.

Amazon va proposer des crédits aux PME à taux réduits. L’attaque risque d’être rude pour les banques sur un segment de marché où les marges restent importantes pour couvrir le risque de défaut de l’emprunteur. Avec le Big data et la connaissance de la santé financière des PME déjà clientes, Amazon optimisera sa gestion du risque expliquant ces taux réduits. L’offre décolle très vite à l’étranger.

Le secteur de la banque est probablement à un tournant de son histoire. Cette fois, des non-banquiers vont peut-être s’imposer. Une fois de plus tout dépendra des clients ? Si les offres sont suffisamment alléchantes, il ne fait pas de doute qu’ils les étudieront très sérieusement et que la concurrence risque d’être rude.


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